Présentation d’Olivier Cousin par Pierre Tanguy
(Plomelin, 1er avril 2012)
Vous parler
d’Olivier Cousin aujourd’hui est pour moi un réel plaisir. D’abord parce que
Olivier est déjà un auteur qui compte en Bretagne (mais nous en reparlerons).
Mais aussi parce qu’il est professeur de lettres dans le collège et lycée de
Lesneven où j’ai fait mes propres études. Mes « humanités classiques »
comme l’on disait à l’époque. C’est dire que nous avons au moins quelques
horizons communs: le plat pays léonard certes, mais aussi le rugueux littoral
du pays Pagan, du côté de Plounéour-Trez et de Brignogan, avec son ciel
changeant. Loin du ciel « sans paupière » du dernier recueil
d’Olivier.
Olivier est né à
Brest rue Neptune, mais il habite Lesneven dans un quartier, proche de la
campagne, où les rues portent des noms de poètes. Le veinard. Pour lui, c’est
rue Anjela Duval. J’avoue que je l’envie beaucoup de résider ainsi dans une rue
qui honore la grande poétesse tregoroise.
L’œuvre déjà
importante d’Olivier Cousin est, d’abord, marquée par l’éclectisme. On trouve
des romans, des livres pour enfants, des livres d’artistes, des recueils de
poèmes, des participations à des anthologies et des publications en revue. Olivier Cousin est un auteur prolixe. « Toujours des
mots au fond de la poche » : c’est la formule à l’emporte-pièce qui
inaugure son blog. Un blog où il dit, à juste titre, que ses thèmes privilégiés
sont sa Bretagne natale, les pays celtiques et d’autres pays, la création
artistique, le patrimoine. Le titre d’un de ses quatre romans « Les
enchaînés de Landouzan » le montre bien. Mais aussi son bel album
« Rêves de pierre » consacré aux sculptures de bateaux et navires que
l’on trouve sur des édifices ou monuments bretons. Son attachement à
la création artistique le fait travailler en lien avec d’autres
créateurs : Anne Salaün pour les illustrations des ses deux petits livres
pour enfants (« Drôle de bestiaire de la mer » et « Drôle de
bestiaire du dictonnaire »), Jean-Pierre Blaise pour ses « Rêves de
pierre » ou pour un livre d’artiste intitulé « Même les amers sont
fragiles ». Il y eu aussi à noter cette collaboration avec l’artiste
Jean-Yves André dont les eaux-fortes illustrent « La lune pour six
écus ». J’ajouterai
qu’Olivier Cousin cultive volontiers la confraternité entre auteurs puisqu’il a
été la cheville-ouvrière de deux ouvrages collectifs donnant carte blanche à
des écrivains bretons pour décrire leur lieu de prédilection. Premier tome
intitulé « En Bretagne ici et là, 40 lieux, 40 auteurs ». Deuxième
tome : « Regards sur la Bretagne ». 40 auteurs sollicités
également. Mais si nous
sommes avant tout réunis aujourd’hui pour parler d’Olivier, c’est pour saluer
le prix qu’il a obtenu l’an dernier :le prix de poésie Camille Le mercier
d’Erm de l’association des écrivains bretons, pour un recueil intitulé
« Sous un ciel sans paupière », publié aux éditions rennaises La Part
commune.
Interrogé par un
quotidien régional après l’attribution de ce prix, Olivier Cousin déclarait. « Cet ouvrage est celui auquel je tiens
le plus en terme de contenu, celui qui me ressemble le plus en quelque
sorte ». Celui qui me
ressemble le plus : cela mérite qu’on s’y attarde.
Dans une
chronique que j’avais rédigé à l’occasion de la sortie de son livre, j’avais
personnellement noté que loin, très loin de son nord-Finistère natal, l’auteur s’employait
à nous parler de mondes qui n’ont pas les mêmes saveurs ou les mêmes couleurs
que le nôtre : la Grèce, l’Italie, l’Espagne, la Turquie… De paysages
méditerranéens, qu’il nous présente en alliant habilement repères mythologiques et scènes de la vie
contemporaine. Sur un ton détaché,
parfois badin voire trivial. Sans jamais se prendre au sérieux. Comme
s’il sortait d’escapades touristico-historiques (« On a beau s’être rincé/ l’œil à Corinthe »)
Mais Olivier, au bout de son périple, posait la bonne
question : « Cela rime à
quoi/de lire sa vie/dans les feuilles d’olivier/quand on est né sous un
hêtre ? ». Car l’Odyssée moderne d’Olivier Cousin – on l’aura
compris - est aussi, et surtout, une manière détournée d’aller à la recherche
de ses propres racines.
Aller loin pour
se (re)trouver. Rien de bien original. Sauf quand un poète tente d’établir des
passerelles entre ici et là-bas. Et le réussit. Embarquant pour une île du
Ponant, Olivier Cousin note : « Crachinage
matinal/à l’embarquement pour Ouessant/ Ni verte ni bleue mer glauque/ couleur
de feuilles d’olivier ». Faisant le lien avec la mythologie grecque,
il note : « Je n’oublie pas/que
notre domicile à ma naissance/était sis à Brest rue Neptune »
Aujourd’hui, à
mes yeux, cette quête d’identité va au-delà du fait de savoir ce qu’il en est
de ses racines bretonnes.
C’est sans doute
son identité d’auteur qui, en réalité, est en jeu. Olivier conservera-t-il son
éclectisme éditorial actuel ? Ou bien le verra-t-on emprunter
prioritairement la voix exigeante de la création poétique ? Je parie,
personnellement, sur cette deuxième option.
Olivier Cousin va
continuer à « Puiser aux mondes » (titre magnifique de son premier
recueil) avec « une poésie qui ne
joue pas à l’être ou, si l’on préfère, qui ne se la joue pas » comme
l’écrit le poète quimpérois Marc le Gros dans sa préface à « Un ciel sans
paupière ».
S’il faut situer
aujourd’hui Olivier Cousin, pour ceux qui ne l’ont pas encore lu, disons qu’il
est plus proche de Keineg que de Grall ou Le Men. Mais sa voix est particulière.
A l’approche de la quarantaine, il n’a pas sans doute pas fini de nous
surprendre et de nous faire partager ses émotions. Dans « Puiser aux
mondes », il écrit : « En
Bretagne nul besoin de boussole/ - autant cartographier à fond le cœur qu’on
aime ! -/pour dénicher son ailleurs,/trouver lieux et échanges qui
consolent ».
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